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Sixtine de Naurois, management interculturel

« L’Histoire du Commerce est celle de la communication entre les peuples »

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Montesquieu ( De l’Esprit des Lois XXI, 5)
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Qu’est-ce qui vous a poussée à rejoindre Lab Compagnie ?
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La personnalité de Patrick Charni. Il a le sens de la relation. Qu’est-ce que la communication sinon le sens de la relation ?
Il sait l’exercer au niveau macroscopique comme au niveau microscopique.
C’est rare, et c’est l’indice d’une vision, car notre futur s’annonce inscrit au tableau noir du global comme à celui du local.
Le Lab a vocation à se développer dans la collaboration, et l’accroissement de l’économie collaborative dans différentes parties du monde se dessine aujourd’hui dans cette nouvelle manière de faire, « glocale ».

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Quel est votre parcours ?
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J’ai suivi un chemin entre les lignes, interdisciplinaire pourrait-on dire. Après bien des détours apparaît souvent le fil rouge des choix que l’on a fait aux carrefours. Une décennie dans un grand musée parisien comme Chargée de Mission après des études appropriées, a été consacrée à percer les mystères des mentalités différées dans le Temps et à analyser, déchiffrer, transmettre, publier ce que nous enseigne leurs richesses expressives. Du gap temporel je suis ensuite passée au gap spatial : quatorze années dans une grande société japonaise, seule femme, et seule femme cadre. Construire des ponts, toujours, pour que les gens, du passé ou du lointain, se rencontrent, se confrontent à la différence et s’enrichissent. Un passage dans différentes entreprises étrangères, puis négociatrice dans l’immobilier logistique, un master II de Management des Organisations à Dauphine quand on en n’a plus l’âge, je suis entrée chez Aïdemo pour aider les managers à développer leurs compétences à l’international, ou à travailler au sein d’équipes diversifiées ou déspatialisées. Les Business Schools en 50 ans d’existence n’ont en aucun cas lissé les différences de perception. Au contraire nous voyons les particularismes s’exacerber tandis que l’Occident n’est plus toujours la proue. Il nous faut donc tous enfourcher solidement nos montures dans ce monde mutant.

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Que pensez-vous apporter à Lab Compagnie ?
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La trigonométrie des mentalités peut-être ?  L’expérience des racines éclairantes en tant qu’historienne, les angles de vue multiples selon les habitudes étrangères ? Cela concerne de nombreux mondes hétérogènes : les équipes des fusions-acquisitions à harmoniser, l’industrie du tourisme à développer, les multinationales et leurs filiales non vassalisées, les process inadaptables, les dirigeants impatriés à adapter…

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Comment travaillez-vous ?
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Par déduction et au plus près des besoins s’ils sont formulés. Le client est roi, et les rois ont besoin d’éclairages variés pour prendre leurs décisions. J’aime les emmener sur l’indispensable pourquoi avant d’envisager le comment.

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Comment la communication est-elle entrée dans votre vie ?
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«  Me tenant comme je suis, un pied dans un pays et l’autre dans un autre, je trouve ma condition très heureuse ».
Descartes, Lettre à la Princesse E de Bohême, 1648.
En voilà encore un que l’on sort du Grand Siècle pour parler d’aujourd’hui…Mais tout y est dit : l’enfance internationale et l’obligation de partager l’élastique à sauter avec une fratrie de plus de 10. Cela ne tient pas en entier dans une petite main, et s’enfuir avec l’extrémité seule est risqué : mieux vaut négocier.

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Quel a été l’événement le plus marquant (professionnel ou privé) de votre vie ? ?
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La part inattendue de la vie est une répétition sans fin. Un exemple: le choc culturel et l’étourdissement de la beauté du vieux Japon. L’on n’en revient pas identique à soi-même, l’a-t-on d’ailleurs jamais été… Un autre, quelques années auparavant : je passe des mois sur les Registres des Délibérations de La Ville de Paris entre 1715 et 1760. Vers 1750, trois mois du XXe siècle ont passé pour moi, vissée sur une chaise des Archives Nationales. Un matin vers 10h, j’ouvre l’in Folio en cours. A l’époque on avait encore la chance d’avoir les originaux en main et non leur version numérisée. Je tourne la page parcourue la veille. L’écriture a brusquement changé. Je lis effarée que le greffier, celui qui m’accompagnait depuis le début, est mort dans la nuit. Mort. Comment ? Déjà.. ? Je sors dehors, j’ai la gorge nouée, je n’y crois presque pas, comment peut-il avoir disparu dans la nuit, si vite… Je revois encore ses jambages de la veille, j’imagine sa main, souple sur le papier. Ce n’est pas possible. Je rentre. Je tourne les pages suivantes à la hâte. Mais non, l’écriture ne revient pas. Elle ne reviendra plus. C’est fini. Nous sommes en 1750 et quelques. J’écrase une goutte sur ma manche. Il ne faudrait pas tacher le papier d’une larme survenue 250 ans plus tard… Quel lien entre la raison et le chagrin ?

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Qu’aimez vous faire de vos loisirs ?
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Ce qui plaira à un entourage bienveillant. Hormis les sports de combat. Quoique…

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Qu’est-ce qui vous émeut ou vous révolte ?
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La réduction des indignations à des stéréotypes, le matérialisme impérieux :
« Personne n’est si pauvre qu’il n’a rien à offrir, personne n’est si riche qu’il n’a pas besoin d’aide. La vérité appartient à ceux qui la cherchent, pas à ceux qui pensent la détenir ».
(Condorcet)

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De quoi êtes- vous le plus fier ?
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Du courage de mes filles. Malgré leurs jeunesses semées d’embûches, leur maturité, leur lucidité sur la vie et au fond, un jardin : leur disponibilité pour la fraîcheur.
Au final se répéter : « Se mettre en chemin sur ses deux pieds et bien le presser ce chemin qui en dépit de ses relais haineux nous montre les fêtus des souhaits exaucés et la terre croisée des oiseaux ». (René Char).